https://www.communautesaintmartin.org/wp-content/uploads/2021/03/DGC-Charitas-14-Linspiration-chez-Maria-Valtorta.pdf

 

Ce texte de Don Guillaume Chevallier (DGC) que je viens de lire relève du préjugé téméraire plus que de la démonstration. Sans affirmer franchement que l’œuvre de Maria Valtorta (l’œuvre) n’a pas de caractère surnaturel, ce qu’il ne peut faire puisque l’Église ne s’est pas prononcée dans ce sens, il en présuppose le caractère non surnaturel. Il procède par insinuation, croit opérer des distinctions subtiles, s’attache à la lettre et délaisse l’esprit. Il cherche en vain des contradictions avec les textes canoniques et avec la doctrine et n’en trouvant pas, renvoie à de plus amples études inexistantes. Il jette le soupçon mais n’apporte pas d’arguments réellement probants.


Devant un phénomène mystique l’Église peut adopter trois attitudes : le constat de surnaturalité, le constat de non surnaturalité et le non constat de surnaturalité. Dans le troisième cas qui est celui dans lequel se trouve l’œuvre, l’Église ne se prononce pas sur le caractère surnaturel ou non et laisse aux fidèles la liberté de se déterminer.
L’œuvre a été mise à l’index de 1959 à 1966, date de la suppression de l’index. Juridiquement aujourd’hui l’œuvre n’est plus censurée. DGC semble considérer qu’elle l’est encore. Il s’abstient de préciser que la censure de 1959 était motivée par l’absence d’imprimatur donc par une raison de pure forme et non pour un contenu contraire à la doctrine.


La lettre du cardinal Ratzinger au cardinal Siri de 1985 ne prononce pas une interdiction visant l’œuvre en particulier mais formule une recommandation de prudence à caractère général tout à fait compréhensible concernant les ouvrages censurés dans le passé.


« L’œuvre prétend à la prophétie » (page 75). Oui c’est vrai mais il s’agit d’une révélation privée. Cette précision importante n’est apportée par DGC qu’à la fin de son article. Le terme de prophétie est utilisé par DGC de manière ambiguë pour laisser entendre que l’œuvre se présenterait comme un complément à la révélation alors que le contraire est affirmé dans l’œuvre elle-même.


DGC insinue que l’œuvre pourrait apporter « de profondes modifications dans la doctrine et la tradition de l’Église » (page 75) puis reconnaît qu’aucune étude n’existe qui l’ait démontré.


DGC balaye les « entreprises de défense de Valtorta » sans préciser de quelle défense il s’agit. On peut en effet « défendre Valtorta » en défendant la liberté de publication de l’œuvre tout en respectant la position de l’Église et sans demander une reconnaissance officielle du caractère surnaturel de l’œuvre.
Après avoir déclaré que l’index aboli gardait toute sa valeur, sans préciser qu’il s’agit d’une valeur prudentielle et non juridique, DGC met en doute les témoignages réels selon lesquels deux papes (Pie XII et Benoît XVI) auraient déclaré l’œuvre exempte d’erreurs et approuvé sa publication. De tels témoignages ne sont pourtant pas dépourvus de valeur.


Enfin il reproche aux défenseurs de l’œuvre de parler de son écriture comme d’un « miracle ». Au-delà du mot c’est de son caractère surnaturel qu’il s’agit et qu’il est loisible à chacun d’envisager l’Église ne l’ayant pas interdit.


Page 76 DCG est gêné de trouver dans l’œuvre « des attestations internes de sa propre inspiration ». Cela n’a pourtant rien de choquant, toutes les révélations privées contiennent ce genre d’auto-certification puisqu’elles se présentent par définition comme inspirées. Le catéchisme de l’Église catholique (CEC n°67) reconnaît que les révélations privées peuvent contenir « un appel authentique du Christ ».


DCG constate que l’œuvre affirme qu’il n’y a rien à ajouter ni à retrancher ni aux textes canoniques ni au texte de l’œuvre. Il y voit une manière de conférer un statut équivalent aux deux types d’écrits. Mais cela ne signifie rien de tel. Il en va du texte de l’œuvre comme de n’importe quel écrit. Tout auteur souhaite légitimement ne pas voir caviarder son texte. Cela ne confère en rien aux deux textes le même statut. L’œuvre n’est pas un livre canonique et elle le déclare expressément elle-même (page 78). Elle ne contredit pas les textes canoniques avec lesquels elle est compatible. Il ne s’agit nullement d’une nouvelle révélation.


Il est vrai que l’œuvre se présente comme « inspirée » et cela « pose un grave problème » à DCG. Pour lui « on ne peut pas déclarer inspirés au sens strict d’autres textes que ceux du canon sacré » (page 78). Il y aurait donc des degrés dans l’inspiration. Mais qu’est-ce qu’une inspiration qui n’est « pas de même nature » ? (page 79) Il existe en réalité des textes inspirés autres que ceux du canon, sans quoi nous devrions brûler tous les écrits mystiques. Les livres que l’Église déclare canoniques sont ceux qu’elle garantit exempts d’erreurs. Cela ne signifie pas que tout écrit non canonique contient nécessairement des erreurs.


DCG cite alors incomplètement Dei Verbum 11, affirmant que les textes canoniques et eux seuls « ont Dieu pour auteur » (page 79). Rappelons que les textes sacrés ont été écrits par des hommes et non directement par Dieu. Comme l’indique la suite de l’article 11 de Dei Verbum il y a toujours une médiation humaine. Ces livres ont été composés « en vrais auteurs » par des hommes, « Dieu agissant en eux et par eux ». Nous avons ici la bonne définition de la notion d’inspiration.


Dire que les révélations privées ne peuvent pas être inspirées est inexact. Il n’est pas anormal qu’une révélation privée se déclare elle-même écrite sous la dictée de l’Esprit Saint ou de Jésus. Cela n’en fait en rien un texte de niveau supérieur aux textes canoniques, ni un texte qui prétendrait dépasser ou corriger la révélation dont le Christ est l’achèvement.


DCG est gêné que l’œuvre apporte parfois des précisions absentes des textes canoniques. De quoi s’agit-il ? Ces précisions n’ont qu’une fonction d’illustration. Elles ne contredisent pas les textes canoniques auxquels elles n’ajoutent rien du point de vue de la révélation. Rappelons que des variantes existent entre les quatre évangiles et que cela ne pose aucun problème.


DCG reste bloqué sur une approche littérale sans voir l’esprit du texte. Il ne reconnaît pas à l’œuvre son caractère de révélation privée susceptible d’aider à « vivre plus pleinement de la révélation définitive du Christ à une certaine époque de l’histoire » (CEC n°67).


Pour DCG les textes canoniques sont parfaits et l’œuvre ne saurait donc corriger leur imperfection (page 80). Ces termes (parfaits, imparfaits) sont inappropriés s’agissant de textes qui n’ont pas été écrits directement par Dieu qui seul est parfait. Surtout l’œuvre ne prétend pas corriger ces textes ni leur ajouter quoi que ce soit. Les saints évangiles ne racontent pas tout ce qui s’est passé (Jean 20 30). Rien n’interdit d'écrire le reste dans le respect des textes originaux. L’œuvre reconnait expressément la supériorité des textes canoniques (page 81). Elle ne suggère donc pas « subtilement » leur insuffisance.


Le passage sur l’ancien testament (page 82) fait évidemment allusion aux erreurs des pharisiens qui ont manipulé les textes bibliques à leur avantage dans un sens terrestre comme les Évangiles nous le rapportent. Il ne s’agit donc pas d’une « évocation de l’ancien testament en termes négatifs ». DCG va jusqu’à comparer l’œuvre au coran, qui comme lui disqualifierait les révélations précédentes. Mais cette comparaison n’est pas pertinente. Non seulement pour les musulmans le coran a été écrit directement par Dieu ce qui n’est pas le cas de l’œuvre, mais surtout contrairement à l’œuvre il n’est pas compatible avec les Évangiles. DCG affirme que l’œuvre vise à parfaire la révélation, mais cette assertion ne repose sur rien. Il cherche des difficultés où il n’y en a pas.


Une dictée n’est pas « une communication dans laquelle n’intervient pas de tiers » (page 82) mais au contraire un acte dans lequel par définition celui qui écrit n’est pas l’auteur. Il y a donc la médiation d’un tiers.


DCG juge « maladroite » la lutte de l’œuvre contre le « modernisme ». Vouloir lutter contre le modernisme tel que défini par Saint Pie X ne saurait être répréhensible. L’œuvre affirme le rôle de la Tradition. « La Vérité du Christ, Dieu et Homme, réelle et parfaite, nous a été transmise aussi bien par la foi que par son histoire (l’Évangile, Les Actes des Apôtres, les Épîtres apostoliques, la Tradition) ». L’œuvre ne méconnaît donc pas le développement du dogme et ne prétend nullement que « toutes les expressions de la foi auraient dû se retrouver dans les textes originaux » (page 83). Parler de « la nature, parfaite dès le début, de la doctrine », dire que « loin de devenir ce qu’elle est à travers des transformations successives, elle est telle qu’elle a été donnée » exprime le caractère définitif de la révélation qui se développe sans se transformer. DCG est dans le jugement arbitraire.


DCG voit des anachronismes où il n’y a qu’un exposé du message chrétien dans lequel le passé et le présent s’éclairent mutuellement montrant ainsi leur cohérence. L’œuvre étant destinée à notre temps, il n’est pas anormal qu’elle intègre les développements subséquents de la doctrine. L’œuvre dit bien que Lazare ne pouvait pas savoir ce que sera la messe. Un anachronisme serait une interprétation erronée du passé utilisant une donnée postérieure. On trouve au contraire dans l’œuvre une lecture juste des actes du Christ à la lumière du sens qui leur a été donné par l’Église.


DCG est gêné par la variété des modes d’inspiration de l’œuvre : dictée, vision, comme si le surnaturel devait se limiter à une seule forme d’expression. Il en conclut que « Maria Valtorta tient une place décisive dans ces révélations » (page 85). En tant que témoin il n’est pas anormal qu’elle parle aussi d’elle-même, le contraire serait étonnant. La distinction est toujours claire entre ses propos personnels et ceux qui lui sont dictés. On voit qu’elle est scrupuleuse, qu’elle redoute les critiques, qu’elle reconnaît parfois faire des oublis et qu’elle n’est donc pas orgueilleuse de sa mission.


DCG nous propose une alternative faussée. Certes l’œuvre affirme elle-même son origine divine (page 88). Cela n’a rien d’étonnant s’agissant d’une révélation privée, mais rien n’oblige l’Église à lui reconnaître un caractère sacré. Quant aux expressions du magistère (par voie de presse), personne ne les rejette, mais il faut admettre qu’elles n’affirment pas le caractère non surnaturel de l’œuvre, contrairement à ce que semble suggérer DCG. Ne pas déclarer un caractère surnaturel n’est pas déclarer un caractère non surnaturel.


Les écrits de Maria Valtorta ne constituent en rien une révélation « plus complète » (page 89). Ils sont certes plus illustrés et plus détaillés que les textes évangéliques mais restent respectueux et cohérents avec eux. Si l’œuvre « comble des lacunes » (page 90), il ne s’agit que d’éléments de décor qui ne modifient rien dans la structure ni dans les perspectives du message évangélique original.


« Les pages closes jusqu’ici » ne désignent pas une « nouvelle révélation » mais son développement, notamment par les révélations privées données pour notre temps. Y voir une œuvre millénariste ou joachimite ne repose sur rien. Nulle part l’œuvre ne proclame l’avènement d’un âge de l’Esprit. Et quitte à convoquer Henri de Lubac, on pourrait plutôt évoquer les quatre sens de l’écriture. En effet, alors que DGC reste bloqué sur le sens littéral, l’œuvre nous aide à en approfondir le sens spirituel : allégorique, moral et anagogique (CEC n°115).


Il est étonnant que DGC s’obstine à affirmer que l’œuvre prétend dépasser ou corriger la révélation, contre les dénégations expresses du texte lui-même. On peut certes dire que l’œuvre est un don, mais ni plus ni moins qu’on le dirait de toute révélation privée. Ce n’est en aucun cas un sacrement. Dire que « l’œuvre est placée sur le même plan que l’eucharistie » (page 91) relève du fantasme.


Si l’œuvre présente parfois un ton comminatoire, c’est pour nous encourager à la conversion. La ligne de démarcation n’est pas « entre partisans et adversaires de l’Œuvre » mais entre « ceux qui ne veulent pas se convertir et ceux qui, bien qu’imparfaits, ont la bonne volonté de se sanctifier » (page 92).

Conclusion.


Bien que connaissant le statut de révélation privée de l’œuvre, qui fait de celle-ci un écrit auquel personne n’est tenu de souscrire, conformément à la définition donnée dans le catéchisme de l’Église catholique, Don Guillaume Chevallier s’évertue à y voir une œuvre qui revendiquerait le rang de nouvelle révélation, ce qu’elle n’est objectivement pas et qu’elle déclare elle-même ne pas être.


L’œuvre aide de nombreux croyants à progresser dans une plus grande intimité de vie avec le Christ.


Le ton parfois pressant de l’œuvre est interprété de manière erronée comme un ordre de croire dans l’œuvre alors qu’il s’agit de croire en Dieu.
Contrairement à ce que suggère DGC l’œuvre n’a pas été condamnée par l’Église pour un motif lié à son contenu doctrinal. Elle n’est plus condamnée aujourd’hui.
En l’absence d’éléments probants pour condamner l’œuvre, DGC admet se contenter d’un « faisceau d’indices » qui ne reposent finalement que sur des questions sans réponse et des présupposés.


Personne n’oblige quiconque à lire l’œuvre, mais nul n’est fondé à en interdire la lecture à ceux, nombreux, qui en retirent un bien spirituel incontestable.


N’éteignez pas l’Esprit.

 

@Sylaene